De nombreux animaux sont capables de s’adapter aux variations temporelles naturelles de la disponibilité alimentaire, mais la capacité des animaux à suivre les fluctuations temporelles de la disponibilité alimentaire d’origine anthropique est relativement mal connue. C’est pourquoi, une équipe de chercheurs s’est intéressée au programme de recherche alimentaire, journalier et hebdomadaire, des goélands et mouettes (laridés) établis dans la ville de Bristol au Royaume Uni. Leurs travaux montrent que ces laridés urbains sont capables d’adapter leur comportement de recherche alimentaire aux horaires des humains lorsque cela leur est bénéfique.

 

Le principe

Cette étude a été menée pendant la saison de reproduction des laridés entre le 18 juin et le 16 juillet 2018 à Bristol. Trois aires d’alimentation urbaines, fréquemment utilisées par les goélands et mouettes, ont été sélectionnées : un parc, une école et une décharge. Les individus des trois espèces présentes sur ces sites (Goéland argenté, Goéland brun, Mouette rieuse) ont été dénombrés tout au long de la journée durant toute la période d’étude, sans distinction entre espèces. Le nombre d’humains présents et la quantité de nourriture anthropique disponible ont également été relevés. Les trajets et le planning de Goélands bruns, équipés d’un GPS dans le cadre d’une autre étude, ont été déterminés.

 

Les résultats

Dans le parc, les oiseaux sont principalement présents tôt le matin lorsque la fréquentation humaine est faible. Le nombre de laridés présents n’est pas lié à la disponibilité de la nourriture anthropique et les effectifs ne varient pas significativement entre les jours de la semaine et les week-ends.

Dans l’école, le pic de fréquentation par les oiseaux est atteint durant la pause déjeuner des élèves et le nombre de laridés augmente avec la quantité de nourriture accessible. Une relation a été trouvé, non pas directement avec les jours calendaires, mais avec le nombre d’humains présents : l’augmentation du nombre de personnes entraîne une augmentation du nombre d’oiseaux en semaine mais une diminution du nombre de laridés le week-end, durant lequel des activités sportives se tenaient aux horaires ciblés par les oiseaux pour la recherche alimentaire.

La décharge étudiée est fermée le week-end. En semaine, le nombre de goélands et mouettes est plus élevé mais la proportion d’oiseaux sur le tas de déchets alimentaires (par rapport au nombre total d’oiseaux sur site) est plus faible que le week-end. Plus le temps passe après le déchargement des déchets et plus cette proportion diminue. Plus l’activité humaine est intense sur le tas de déchets et plus cette proportion diminue. En semaine toujours, le nombre d’oiseaux est plus élevé le matin que l’après-midi, mais plus la semaine avance et plus le nombre de laridés tend à diminuer.

 

Les enseignements

Les auteurs constatent que les modèles temporels d’utilisation des aires d’alimentation sont propres à chaque site : le parc est principalement utilisé le matin, l’école et la décharge pendant la journée et en semaine. Ces schémas temporels sont liés à l’activité humaine et à la disponibilité de la nourriture. C’est particulièrement notable pour l’école et la décharge, où les oiseaux adaptent leur programme d’alimentation aux horaires des pauses des élèves et d’ouverture de la décharge.

Dans le parc, les laridés présents principalement le matin ont été observés marchant et picorant pour se nourrir dans la végétation basse. La présence de vers de terre, connus pour être abondants aux premières heures de la journée et d’une grande importance pour les mouettes et goélands, pourrait donc expliquer ce phénomène.

Dans l’école, le nombre d’oiseaux et le nombre de personnes sont positivement liés en semaine, les deux étant plus abondants pendant les pauses lorsque les élèves consomment de la nourriture. Mais, la relation est négative le week-end, indiquant que les humains peuvent à la fois être attractifs (en semaine) et dissuasifs (le week-end). Les activités sportives du weekend ont probablement perturbé la recherche alimentaire des oiseaux.

Dans la décharge, le schéma temporel du nombre de laridés varie entre la semaine et le week-end, en lien direct avec la fermeture du centre le week-end. En semaine, le pourcentage d’oiseaux sur le tas de déchets plus élevé juste après le déchargement, mais plus faible à mesure que l’activité humaine augmente sur le tas, suggère un compromis bénéfices (optimisation de la ressource juste après le dépôt) / risques (dangers liés aux manutentions humaines).

À l’école comme à la décharge, des oiseaux ont été observés en train d’attendre sur les toits environnants avant les pauses des élèves et avant le déchargement des déchets, ce qui implique qu’ils attendaient là spécifiquement que la nourriture devienne disponible. La prévisibilité temporelle des sources de nourriture sur ces sites semble avoir conduit les oiseaux à adopter une approche « assis et attendre » au lieu de chercher activement de la nourriture. Cette approche peut leur permettre de minimiser le temps et l’énergie consacrés à la recherche de nourriture. Il semble que dans la présente étude la disponibilité des sources de nourriture soit séparée dans le temps (parc – tôt le matin, école – déjeuner, déchetterie – pendant la journée), soulevant la question de savoir si les oiseaux sont capables d’optimiser leur utilisation des ressources au cours d’une même journée : en d’autres termes, est-ce les mêmes oiseaux qui ont réalisé un parcours optimisé entre les trois sites durant la journée ? D’autres oiseaux devront être équipés de GPS pour trancher cette question.

Les horaires humains diffèrent des rythmes naturels car ils reposent sur des échelles de temps plus courtes ou présentent des schémas irréguliers (semaine VS week-end, horaires d’ouverture des équipements). Cela suggère que l’un des traits permettant aux laridés de vivre avec tant de succès dans les villes pourrait être leur capacité à adapter leur programme d’alimentation aux activités humaines.

 

Voir la publication en anglais

 

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