L’Orvet fragile, Anguis fragilis, est un lézard dépourvu de pattes bien représenté en Bretagne. Du fait de ses exigences thermiques modestes, il est souvent dissimulé dans la végétation ou sous divers supports. Ses habitudes cryptiques rendent l’étude de ses comportements complexe. Une grande partie des données comportementales disponibles a été collectée au niveau de refuges artificiels utilisés pour les suivis de Reptiles (plaques de chauffe). Sous ces refuges artificiels, les Orvets sont parfois entrelacés mais les liens de parenté entre individus ne sont pas étudiés. Même si des observations en captivité montrent que les femelles fréquentent leurs jeunes et que les soins parentaux sont prouvés chez d’autres espèces de lézards, aucune étude en milieu naturel n’a su démontrer que l’Orvet fragile prodigue des soins à ses petits. Une observation fortuite ouvre aujourd’hui des perspectives…

Le 27 août 2020, deux femelles adultes (24 et 25,5 cm) et cinq nouveau-nés ont été trouvés sous un refuge artificiel, lors d’une recherche de survivants après un incendie de forêt au Royaume-Uni. Lors de la découverte initiale, certains individus étaient regroupés et superposés et d’autres étaient séparés de ce groupe. Tous les Orvets de ce refuge ont été rassemblés dans une boîte en plastique (Figure 1), avec un sac en tissu placé sur le dessus pour réduire le stress. Une femelle subadulte (17 cm) a également été trouvée sous un autre refuge et ajoutée à la boîte. Trente minutes plus tard, le sac en tissu a été retiré, révélant une femelle adulte enroulée avec quatre des nouveau-nés et la femelle subadulte (Fig. 2). La seconde femelle adulte et le cinquième juvénile étaient séparés du groupe enroulé. Peu de temps après la prise de vue, la femelle subadulte a quitté le groupe enroulé.

Figure 1 : Les 2 femelles adultes et les 5 nouveaux-nés, avant l’ajout de la femelle subadulte trouvée sous un autre refuge.

Figure 2 : L’une des deux femelles adultes, enroulée avec 4 nouveaux-nés et la femelle subadulte.

À la connaissance des chercheurs, il s’agit de la première observation d’Orvet fragile sauvage affichant un comportement de défense de sa progéniture, basée sur l’hypothèse que la femelle adulte est la mère des juvéniles. Le fait qu’un individu subadulte, avec une relation inconnue avec le groupe présumé « parent / nouveaux-nés », fasse également partie de la bobine pose question, d’autant qu’un nouveau-né n’a pas rejoint la bobine, à moins qu’il ne l’ait quittée très vite sous l’effet du stress lors du retrait du tissu.

La reconnaissance de la parenté par des signaux olfactifs est connue entre les mères et leur progéniture chez le Lézard vivipare. Ce pourrait être également le cas chez l’Orvet fragile, des travaux ayant montré que les individus sont capables de discriminer les odeurs des mâles et des mâles chez leurs congénères.

Il est toutefois possible que la proximité spatiale joue un rôle pour attirer les membres d’une bobine défensive lors d’un événement de stress. L’observation pourrait par ailleurs être attribuée à un comportement thigmotactique : les Orvets auraient pu s’enrouler les uns aux autres pour se stabiliser dans le récipient en plastique au substrat peu approprié.

Une enquête plus approfondie est donc nécessaire pour évaluer les soins parentaux, les comportements défensifs et la reconnaissance des parents chez l’Orvet fragile.

 

Lire la publication initiale en anglais

La diffusion des actualités du Réseau des naturalistes costarmoricains est soutenue par la Région Bretagne et le dispositif du Service Civique (Ministère de l’Éducation Nationale).

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