La création de la réserve naturelle

Menaces sur le fond de baie

Même si les premières poldérisations du fond de l’anse d’Yffiniac débutent au 18e siècle et s’accélèrent au 19e siècle afin de gagner des terres cultivables sur la mer, c’est dans les années 60, que le fond de la baie suscite des convoitises. “Longtemps considérée comme une vasière puante sans intérêt, la baie d’Yffiniac est en train de devenir une sorte de terre promise. Tous les cerveaux épris d’aménagement du territoire et de développement économique s’y rejoignent les uns après les autres pour y échafauder des projets”, écrivait un journaliste Claude Peridy dans Ouest France en 1972. Car les projets ne manquent pas : assécher le fond de baie pour le transformer en polders, développer un vaste complexe portuaire pour assurer la liaison maritime avec la Grande-Bretagne, et même implanter un aéroport international !

Mais le fond de la baie, c’était aussi une vaste décharge de 28 hectares ouverte sur la mer, à la Grève des Courses, stockant 1 million de mètres cube de déchets. L’unique dune du fond de baie a été utilisée jusque dans les années 70 comme carrière, puis comme terrain pour le motocross et comme décharge, avant d’être réhabilitée par le Conseil départemental en 1981. Les pollutions étaient multiples et l’on commençait à parler des marées vertes qui touchaient de plus en plus souvent le fond de la baie.

 

Une histoire d’expositions

A l’automne 1973, Gilbert Guéguen, Michel Guillaume et Jacques Petit se rencontrent à l’occasion d’une exposition sur les champignons. De cette rencontre nait une idée : celle d’organiser une exposition sur les richesses naturelles, l’histoire, la pollution de ce milieu naturel situé aux portes de l’agglomération.

L’exposition, qui se déroule à la chapelle du Collège Le Braz en mai 1974, est un événement (« le Mai Breton ») et rencontre un réel succès. Le grand public comme les responsables politiques et les administrations découvrent les richesses naturelles du fond de baie.

Au-delà de ce succès public, il fallait se constituer en association afin de proposer des alternatives aux projets d’aménagement, comme le vaste projet de port qui devait s’étendre au-delà de la pointe du Roselier à Plérin. Ainsi, le 28 septembre 1974, l’assemblée constitutive du “Groupement pour l’Étude et la Protection de la Nature” (GEPN) est organisée dans le lieu même de l’exposition, association qui deviendra VivArmor Nature en 1999.

 

L’idée d’une Réserve naturelle

Dans les écrits, l’idée d’une Réserve naturelle en baie de Saint-Brieuc apparait pour la première fois en 1977, dans une brochure intitulée “Richesse de la baie de Saint-Brieuc”. L’outil « Réserve naturelle » venait tout juste d’être créé par la première loi de protection de la nature en France en juillet 1976. Les naturalistes se mobilisent alors pour recueillir les données nécessaires à l’établissement du dossier scientifique justifiant le classement du site.

C’est en octobre 1981 que la première demande officielle de classement est adressée au ministère chargé de l’environnement, pour un projet qui ne concernait que l’anse d’Yffiniac. Le dossier mobilise alors 5 associations : le GEPN, la SEPBN, Yode, Dhiane et les Amis de la Terre.

 

La longue marche vers la création

Durant 10 ans, peu de choses avancent malgré les mobilisations, les courriers et les pétitions. En 1991, la DIREN (Direction régionale de l’environnement) confie à Daniel Lasne, nouvellement arrivé, le projet de création de la Réserve naturelle.

La préfecture organise alors une première réunion d’information à la mairie d’Hillion en avril 1992. Afin de présenter les justifications scientifiques et l’intérêt du dossier, Roland Savidan présente des activités traditionnelles, Roger Mahéo l’intérêt ornithologique et Jacques Édouard Levasseur l’intérêt floristique du site.

 

Un avis unanimement favorable… ou presque

Une consultation préliminaire en 1992 donne un avis favorable des collectivités locales, tout en manifestant une certaine prudence, notamment vis-à-vis de la compatibilité de la Réserve naturelle avec les activités traditionnelles.

Pour les usagers de la baie, les opinions sont plus nuancées. C’est à cette époque que se créée une association d’opposants au projet : l’APPAT pour Association Pour la Préservation des Activités Traditionnelles.

Réunions d’information, publications, communiqués de presse se succèdent principalement durant l’année 1994 pour convaincre de la nécessité du projet.

Le Conseil National de Protection de la Nature (CNPN), haute instance d’expertise du ministère de l’environnement, est consulté en décembre 1994 et caractérise l’importance du site :

  • Un intérêt régional pour les formations végétales,
  • Un intérêt national / international pour les formations géologiques,
  • Un intérêt national / international pour le rôle de zone d’hivernage et de halte migratoire pour les oiseaux d’eau.

 

Les dernières procédures administratives

En 1995, l’enquête publique reçoit un avis favorable. Il en ressort que « Les contraintes qui résulteront de la création de la réserve sont relativement limitées comparées aux activités qui pourront subsister sur le domaine maritime. Elles seront compensées par une amélioration de la tranquillité des stationnements d’oiseaux. »

La procédure d’élaboration de la réglementation de la Réserve naturelle et de concertation a duré 17 ans et a abouti le 28 avril 1998 à la publication au Journal Officiel du décret de création de la Réserve naturelle nationale de la baie de Saint-Brieuc. La mobilisation des naturalistes pour le classement du site aura, elle, duré 25 ans et donné le jour à une autre belle histoire : celle de VivArmor Nature.

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