Cosignataire de cette lettre ouverte, VivArmor Nature vous invite à en prendre connaissance et à la partager :
Lettre ouverte à toutes les associations et collectivités territoriales de Bretagne, et à tous les citoyen·es sensibles à la liberté associative, coécrite par Ékoumène / Canal Ti Zef / Radio U / Patronage Laïque Guérin
Brest, avril 2024
Nous accueillons, éduquons, transmettons des passions, des savoirs et des valeurs. Nous prenons soin des gens, nous informons, aiguisons le sens critique. Nous sommes attachés à la pluralité, à une démocratie bien vivante. Nous le faisons bénévolement ou dans des conditions souvent précaires, avec l’aide de subventions et en partenariat avec les collectivités et les institutions. Nous, ce sont les associations. Qu’elles soient culturelles, sociales ou sportives, nos actions participent grandement au ciment de notre société et à la vitalité démocratique.
Depuis quelques années les attaques subies par le monde associatif se multiplient : disparition des emplois aidés, financement par actions, multiplication des appels à projet. Ce contexte oblige nos structures à répondre à des commandes plutôt qu’à mettre en œuvre les orientations défendues par leurs membres, il pousse également à une concurrence généralisée entre des structures qui portent pourtant des idéaux de solidarité et d’émancipation. À cela s’ajoutent parfois des pressions politiques de chantage aux subventions.
Dernier outil en date pour chercher à mettre au pas le monde associatif : le Contrat d’Engagement Républicain qui sévit pour la première fois en Bretagne, mais qui avait touché auparavant d’autres structures. Les centres sociaux de Maubeuge, Alternatiba Rhônes et Alternatiba Poitiers ainsi que la compagnie de théâtre Arlette Moreau et la Planning Familial de Chalon-sur-Saône ont déjà fait les frais de cette logique arbitraire.
L’attaque récente de la préfecture du Finistère envers quatre associations brestoises relève du même acabit. Canal Ti Zef et Radio U, deux médias associatifs locaux, ainsi qu’Ékoumène et le Patronage Laïque Guérin, deux associations d’éducation populaire, se sont vues annuler une subvention que chacune d’entre elles avait pourtant obtenue en bonne et due forme via une commission ad hoc du Fonds de Développement de la Vie Associative pour l’année 2023.
Pourquoi cette annulation si inhabituelle ? Si Ékoumène n’a pas eu de réponse à son courrier de demande d’éclaircissement, Canal Ti Zef s’est vu signifié par écrit son « non-respect du Contrat d’Engagement Républicain », sans recevoir d’explication sur cette accusation. Par courrier et par voie de presse, le Patronage Laïque Guérin a été invité par la préfecture à « prendre des dispositions » envers l’un de ses salariés du fait de ses activités « en dehors de son temps de travail ». Point commun entre ces associations : leur soutien affiché au squat culturel de la salle de l’Avenir, place Guérin à Brest, envers lequel le sous-préfet s’est montré particulièrement répressif. Quant à Radio U, son seul « délit » semble être d’avoir donné la parole au collectif de l’Avenir dans l’une de ses émissions. S’asseoir sur le droit de s’associer, sur le droit du travail et sur la liberté de la presse, user de son autorité de manière arbitraire, obscure et aveugle… Est-ce bien républicain ?
Nous estimons que les absences de réponse et d’éléments motivés de la part de la préfecture ou, plus inquiétants encore, les quelques éléments qu’elle a donnés pour se justifier, sont une atteinte grave au droit de la vie associative et à la démocratie.
À quoi auraient servi ces subventions si elles n’avaient pas été annulées ? Un projet en faveur du football gaélique féminin, une fresque avec des enfants et des habitants d’un quartier brestois, des ateliers d’éducation aux médias, et un soutien au fonctionnement d’un local associatif de quartier. Rien de bien dangereux, en somme… Et demain, à qui le tour ?
Il nous semble important de souligner que la subvention n’est pas une aumône versée par la puissance publique mais une juste contribution apportée aux associations pour leur permettre d’exister et d’agir pour le bien commun. Elle permet aux associations de mener des actions d’intérêt général. En cela, elle est une juste redistribution de l’impôt.
Nous réclamons par cet appel une prise de conscience et des actes forts des élus et des représentants de l’État, pour conforter le monde associatif dans sa diversité et ses choix. Nous réclamons le droit de ne pas être d’accord avec telle ou telle décision politique, de le dire et d’en débattre sans que l’épée de Damoclès de l’arrêt des subventions ou le risque de l’autocensure ne s’abattent, car faire vivre la démocratie c’est aussi faire vivre des idées et afficher ses désaccords.
Nous tenons à diffuser et dénoncer publiquement les agissements de la préfecture, et plus généralement les politiques qui visent à ce que le monde associatif se tienne sage, nous le faisons pour éviter que ce type d’atteinte aux droits des associations et à la vie démocratique ne devienne monnaie courante. Plusieurs associations, institutions et médias, locaux, régionaux et nationaux, se font déjà le relais de cette situation et ont fait part de leur soutien.
Nous invitons le monde associatif breton à faire circuler et cosigner cette lettre publique afin de dénoncer tous les agissements qui cherchent à étouffer la vitalité associative et démocratique dont nous avons au contraire et plus que jamais besoin.