Communiqué de France Nature Environnement
Strasbourg, le 28 mai 2025
Le ministère de la Transition écologique a ouvert jusqu’au 10 juin 2025 une consultation publique sur un projet d’arrêté autorisant le tir du loup sur des troupeaux bovins et équins sans réelles mesures de protection, et dès une attaque au cours des 12 derniers mois. Nous vous invitons à y répondre défavorablement et comptons également sur vous pour relayer cet appel sur vos sites respectifs, auprès de vos associations membres et de vos adhérent·es.
Pourquoi faut-il se mobiliser contre ce projet ?
La loi d’orientation agricole, publiée le 24 mars 2025, affirme sans justification scientifique, ni technique, qu’il n’existe pas de moyen de prévention et de protection pour les troupeaux bovins et équins face à la prédation du loup.
Aussi, en application de la loi, un projet d’arrêté prévoit d’autoriser le tir du loup, si les éleveurs ont mis en place une seule des mesures de réduction de la vulnérabilité des troupeaux de bovins et d’équins listées dans l’arrêté.
Or sur les 10 mesures prévues, 5 ne sont aucunement de nature à réduire la vulnérabilité des troupeaux, et ouvrent la possibilité d’autorisation de destruction de loup alors que les troupeaux ne sont en réalité pas protégés (cf. ci-dessous).
L’arrêté prévoit aussi d’autres dispositions, sortant largement du cadre prévu pour réaliser des tirs d’une espèce qui est toujours protégée, comme la réalisation d’une analyse technico-économique territoriale dont les modalités de réalisation ne sont pas précisées et confiées au préfet et aux organisations agricoles. Si cette dernière estime que les changements de pratiques d’élevage ou la mise en œuvre des mesures de réduction de vulnérabilité ne sont pas possibles, le tir du loup pourra être généralisé à l’ensemble du territoire concerné. Dans ce flou, la chasse au loup sera vite décrétée.
Comment participer à la consultation ?
Rendez-vous avant le 10 juin 2025 sur la page de la consultation pour avoir plus d’informations et postez votre commentaire en cliquant sur « Déposer votre commentaire ». Il est important d’indiquer « avis défavorable » dans le titre, de personnalisez votre réponse et de ne pas faire un simple copier-coller des arguments proposés ci-après, pour que votre réponse soit bien comptabilisée lors de la synthèse de la consultation.
Que dire ?
Nous vous invitons à répondre à la consultation en donnant un avis défavorable à ce projet d’arrêté. Voici quelques arguments que vous pouvez utiliser :
1. Ce projet d’arrêté repose sur l’affirmation qu’il n’existe pas de référentiel de protection pour les troupeaux bovins-équins. Pourtant, une étude de parangonnage sur la politique publique du loup conduite par les inspections IGEDD/CGAAER (publiée en septembre 2023) indique justement que des moyens de protection des troupeaux bovins sont utilisés dans d’autres pays européens et sont efficaces. Ces mesures de protection sont à déterminer en fonction des caractéristiques locales et des conduites des troupeaux. La 6e recommandation de ce rapport IGEDD/CGAAER porte précisément sur l’abandon de la notion de non-protégeabilité pour les bovins. L’État ne peut pas faire reposer une évolution réglementaire sur des affirmations qu’il n’argumente pas, et ignorer les recommandations de ses propres services.
2. Ce projet d’arrêté prévoit que le préfet de département puisse octroyer des tirs sur la base d’une analyse technico-économique territoriale. Or, les modalités de définition de cette analyse « technico-économique » territoriale ne sont pas encadrées dans le projet d’arrêté et ne correspondent pas aux conclusions de la décision de la CJUE de juillet 2024 (CJUE C-601/22 – 11 juillet 2024) qui affirme qu’en ce qui concerne la non-protégeabilité, la « mise en œuvre de ces programmes et plans de gestion » peut impliquer l’introduction de « changements dans les activités agricoles concernées » afin d’assurer une protection suffisante contre les loups (clôtures, chiens de garde, etc.). De tels changements, observe la Cour, « s’accompagnent nécessairement de certains coûts », et ces coûts « ne sauraient constituer un motif suffisant pour déroger » à la protection stricte de l’article 16.
3. Le projet d’arrêté liste 10 mesures valant réduction de la vulnérabilité des troupeaux bovins et équins, et prévoit que l’application d’une seule d’entre elles permet l’autorisation de tir par le préfet de département. Or, seulement 5 d’entre-elles permettent effectivement de réduire la vulnérabilité voire sont de nature à assurer la protection des troupeaux. Les 5 autres (les colliers GPS et les pièges photos permettent juste d’alerter, les clôtures dans les zones dangereuses, la présence de bovins à cornes, le regroupement des lots pour avoir des troupeaux plus importants en nombre, visite quotidienne), ne réduisent pas la vulnérabilité des troupeaux.
4. Le projet d’arrêté prévoit que le préfet peut octroyer des tirs si le troupeau a subi une prédation au cours des 12 derniers mois. Ce seuil de déclenchement pour autoriser des tirs est très bas et ne répond pas à la condition « de dommages importants aux troupeaux domestiques » justifiant un tir. Le critère de « dommages importants » prévu par le cadre juridique doit être respecté.
5. Dans des situations de troupeaux en cours de mise en place de mesures de protection ou de réduction de vulnérabilité efficaces, l’autorisation de tirs létaux doit être interdite. L’effarouchement des loups par des tirs non létaux peut correspondre à une solution satisfaisante si elle est conditionnée à la mise en place de moyens plus efficaces.
6. Au lieu de faciliter encore et toujours les tirs du loup, alors que l’efficacité de ces tirs n’est toujours pas prouvée, l’Etat devrait élaborer un « schéma de protection techniquement validé » pour les élevages bovins, en lien avec les professionnels, les parties prenantes et en tenant compte des expériences et pratiques dans d’autres pays, comme cela a été fait pour l’élevage ovin depuis des années déjà.